Collectif « La Lézarde »
Pour un autre projet d’Aménagement de la RD 998
Communiqué
Depuis la fin de l’enquête publique en janvier 2024 concernant un projet de chantier titanesque sur 4,2 km de la D998 qui va de Florac à Pont-de-Monvert, après Cocurès, une mobilisation est née parmi les habitants et les usagers de la route pour poursuivre le débat public pour un autre aménagement-rénovation de cette route qui puisse respecter l’intégrité de ce paysage naturel, la sensibilité des habitants et l’agrément des promeneurs.
Cette alarme a déjà provoqué auprès des autorités publiques certaines remises en question ! Il nous faut désormais enfoncer le clou !
Ce collectif « la Lézarde » propose : une « manifiestaction » à Cocurès, à partir de la salle communale, le samedi 5 octobre 2024 de 10h00 à 15h00, avec point d’information, échange convivial sur des modalités acceptables, déambulation sur le site le plus menacé, repas tiré du sac.. tout ça dans la bonne humeur et avec accompagnement musical !!
L’envers du décor
Ou comment la fringale de chantiers d’aménagement de routes dégrade le paysage en Cévennes et ruine le patrimoine bâti
Au printemps 2024, s’est tenue à Cocurès, près de Florac en Lozère, une assemblée d’une soixantaine d’habitants du territoire pour poursuivre le débat suscité, l’hiver précédent, par l’enquête publique concernant un projet d’aménagement disproportionné de la D998 sur 4,2 km depuis Cocurès vers Pont-de-Monvert (un an de travaux, près de 4 millions d’euros !).
Cette assemblée a exprimé un désir très vif de s’organiser collectivement pour contester l’inévitable « avis favorable » par lequel le commissaire enquêteur pensait clore le débat public, alors que l’enquête avait reçu un nombre record de dépositions : les avis favorables, souvent des copiés-collés à partir d’un modèle, ne faisant pas le poids face à des avis défavorables argumentés chacun à leur manière. Une enquête publique n’a qu’un objectif consultatif, histoire de mesurer l’acceptabilité d’un projet, d’en rectifier le cas échéant les bévues, et de singer un exercice démocratique menant au consentement.
Dans les semaines qui ont suivi, des membres de ce collectif nommé « la Lézarde » se sont attelés à rédiger une lettre au Conseil départemental et à sa présidente, Sophie Pantel, en réfutant point par point les motifs avancés pour chambouler la montagne : le summum étant effectivement de faire exploser une falaise rocheuse de 17 m de haut pour tirer droit la route, que ce soit l’écosystème d’un lézard protégé (le lézard océlé) étant passé en pertes et profits. Puis, une lettre au préfet lui demandant de surseoir à la décision d’arrêté d’utilité publique.
Présence sur le marché, signatures d’une pétition (plus de 600 signatures à ce jour) ont permis de faire connaître l’ampleur du projet routier. Et le rythme d’une AG du collectif par mois s’est profilé.
L’instabilité politique nationale est venue apporter son grain de sel dans l’histoire : c’est la présidente du Département qui s’est présentée pour les législatives au nom du « Nouveau Front populaire ». Puisque son électorat est majoritairement dans les Cévennes, Mme Pantel a précipité un rendez-vous avec une délégation des opposants et n’a, hélas, apporté comme proposition que de vœux pieux de dialogue et la recette d’un charcutage juridique sur un tronçon de la départementale D998 pour confier ce secteur le plus controversé à la responsabilité communale !
Cette mobilisation faisait suite à une précédente, l’été 2023, à une trentaine de km, qui s’était opposée à la destruction de bâtis historiques et patrimoniaux (murs en pierres sèches, aqueducs, idem, remplacés par des buses en béton). Le supplément dominical du journal « le Monde » en avait rendu compte le 23 octobre 2023.
Le Département va jusqu’à refuser implicitement de communiquer les documents publics afférents au chantier et les opposants se voient contraints de saisir la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs), puis le tribunal administratif pour les obtenir.
Mais ce ne sont pas des faits isolés. En effet, est-ce parce que la présidente du département est originaire du lieu, mais l’abondance de chantiers routiers en Cévennes finirait par faire penser que plutôt qu’on puisse l’accabler de ne pas en faire assez, elle opte pour en faire trop. Mais elle n’est pas seule : le quotidien régional « Midi libre » publiait le 18 janvier 2023 le souhait de la fédération régionale des travaux publics Occitanie que les « collectivités publiques maintiennent la commande publique », à quoi les élus lozériens en acceptaient le principe. C’est dire si une des fonctions premières des élus locaux est d’assurer un volume toujours croissant de chantiers afin que les entreprises locales pérennisent leur rentabilité et amortissent leurs coûteux méga-engins.
Cocurès fait suite à une longue histoire : déjà à proximité, à Fraissinet-de-Lozère, sur les pentes du Mont Lozère, deux tranches de terrassement et rectification de route en 2012 et 2020 avaient laissé beaucoup de balafres dans le paysage et d’amertume chez des habitants, notamment du fait de l’arrachage d’ormes centenaires, espèce protégée. De même, dans le secteur du Collet-de-Dèze, le segment de voie verte était sur-élargie sur l’emprise de l’ancienne voie ferrée (2022) à grands renforts de bulldozers ; et pareillement, Vébron (2022), St-Étienne-vallée-française (2023), St-André-de-Lancize (2024), on n’a pas fait dans la dentelle !
Et la « première pierre » d’un complexe touristique dédié aux mégalithes du plateau des Bondons a été posée, histoire que « Carnac en Bretagne ne rafle pas toute la mise » (propos entendus de la présidente du Département).
Antérieurement, il y a près de 20 ans, un modèle du genre avait donné le « la » pour la nouvelle période : une zone artisanale créée avec force terrassements en pleine pente, près du col de Jalcreste, et depuis quasi vide tant le prix des parcelles est prohibitif !), à quoi s’est ajouté plus récemment un "doublon", une autre ZA (!) à 20km, toujours avec débauche d’argent public.
Mais le Département n’est pas seul responsable tant existent de canaux de collectivités locales par lesquels transitent subventions régionales, nationales ou européennes.
La disproportion est forte, quand, au Département qui a la gestion des collèges, on met si peu d’empressement à introduire massivement une alimentation bio dans les cantines, à améliorer le logement social, ou à aider les municipalités à entretenir le réseau des voies communales de montagne qui constituent le réseau de circulation "interne" des Cévenols.
La mobilisation à Cocurès est animée du sentiment que l’emprise du BTP ne va pas s’arrêter là, la course à la productivité supprimant du travail (méga-enrochements menés avec des engins surpuissants, murs maçonnés en dépit du bon sens, succédanés des anciens murs en pierre sèche constituant un patrimoine reconnu)… pour en réclamer toujours davantage avec le chantage à l’emploi ! Non seulement, "ils" ne peuvent pas s’empêcher de continuer comme si de rien n’était (pourtant, érosion des sols mis à nu, biodiversité, patrimoine bâti détruit), mais vu la puissance de leurs moyens nouvellement acquis ils font encore pire ! Le label de protection (!) « Unesco » se révèle donc de pure forme pour les élus, et le Département semble n’y voir qu’un encouragement à l’agro-pastoralisme sans se sentir en rien bridé lorsqu’il s’agit de répandre béton et bitume.
La connivence, à tout le moins factuelle, entre élus et entreprises du BTP suppose une répartition des tâches : aux élus d’enrober la brutale pression économique du « toujours plus de chantiers » d’un discours sur le progrès, la modernité, la mobilité et le désenclavement, et aux entreprises de salarier du monde, de positiver les statistiques, et de fournir ce faisant, par leurs réalisations, des trophées électoralistes. En fait, l’attrait de la Lozère pour beaucoup de nouveaux habitants à l’année, tient à ce que ce territoire soit un peu en marge de l’accélération capitaliste des zones surdéveloppées. Et c’est plutôt ça qui contient un ferment d’avenir. À l’inverse, les aménagements routiers sont "vendus" à l’opinion publique comme pouvant remédier à des désagréments antérieurs alors qu’ils sont inscrits dans une prospective de construction d’un avenir programmé : fluidité, vitesse, accélération, intensification, mobilité de l’emploi… À l’image des flux de livraisons du e-commerce à domicile !
D’un côté les mots fétiches du « développement », de l’autre l’âpreté des comptes à équilibrer coûte que coûte… Comme chacun sait, un achat à crédit mène à débourser bien plus que le prix original, le surcoût tombant dans l’escarcelle de la banque au titre des intérêts : c’est dire si une entreprise investissant dans des méga-machines est tenue d’augmenter proportionnellement son chiffre d’affaires pour y faire face, d’où, côté BTP, la fringale de chantiers.
L’arrogance représentative des élus est de prétendre voir leur élection comme une carte blanche, s'imaginant peut-être que leur statut les dote d'une vertu de clairvoyance qui les dispenserait de s'abaisser à débattre avec le bas peuple de leurs électeurs, sans même évoquer – ô horreur – l’éventualité des comptes à rendre en temps et en heure. Là où le discours dominant continue de vanter la circulation automobile et la vitesse, pourtant accidentogène, il serait bon de rétorquer par la réduction du temps de travail pour disposer de temps pour vivre.
Collectif la Lézarde, août 2024, la_lezarde@riseup.net